Avons-nous perdu le contrôle de nos approvisionnements?

Caroline Tremblay, Conseillère en stratégie d’impact

Dans un contexte où l’on perçoit de plus en plus les effets des changements climatiques, la pression sur les entreprises pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) et pour minimiser leurs autres impacts environnementaux se fait plus grande. Plusieurs d’entre elles se lancent dans la reddition de comptes ESG et dans la mise en place de plans d’action pour améliorer leurs pratiques et devenir plus écoénergétiques. Il est effectivement important pour chacune de faire ce travail d’introspection, mais un autre champ d’action, au potentiel d’impact probablement beaucoup plus grand mais plus difficile à contrôler, demeure essentiel : celui de travailler à améliorer la performance sociale et environnementale dans la chaîne d’approvisionnement. 

En effet, selon une étude de la firme McKinsey, plus de 80 % des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des biens de consommation proviendraient de la chaîne d’approvisionnement. Et c’est sans compter les nombreux enjeux liés aux conditions de travail, au respect des droits humains, à l’esclavage moderne et au maintien d’une forme de néocolonialisme que l’externalisation de la production et de l’extraction des ressources naturelles dans des pays lointains exacerbe. 

Le business case pour des chaînes d’approvisionnement durables et responsables n’est pas nouveau. Elles permettent de : 

  • réduire les risques (par exemple en évitant d’entacher la réputation découlant de fournisseurs ne respectant pas les normes internationales)

  • augmenter la productivité (par exemple en augmentant l’efficacité, réduisant ainsi les coûts)

  • générer de la croissance (par exemple en satisfaisant une clientèle sensibilisée aux enjeux ou en innovant dans le processus)

Soyons franc, rendre sa chaîne d’approvisionnement plus responsable est plus facile à dire qu’à faire. Plusieurs grandes entreprises ainsi que des organisations influentes comme le UN Global Compact se sont penchées sur la question pour créer un cadre permettant aux entreprises de responsabiliser leurs pratiques avec leurs fournisseurs : grilles de sélection de produits et/ou de fournisseurs intégrant des critères sociaux et environnementaux, codes de conduite, audits, évaluations de performance des fournisseurs, etc. 

La création et la standardisation de ce type de structure est un bon point de départ. Cependant, pour arriver à la hauteur des enjeux auxquels celle-ci souhaite répondre, il est crucial de non seulement mettre en place les outils et mécanismes nécessaires pour comprendre l’impact de sa chaîne d’approvisionnement et faire preuve de transparence, mais aussi de s’assurer que des améliorations concrètes ont lieu, et ce à travers toute la chaîne de valeur, et pas seulement pour les fournisseurs directs (niveau 1). 

L’approvisionnement responsable pour B Corp

C’est également ce qui transparaît dans la nouvelle mouture de la certification B Corp (à venir) : au lieu d’une section séparée dédiée à l’approvisionnement (politiques et mécanismes d’engagement avec les fournisseurs) dans un des cinq domaines d’impact, B Lab prévoit intégrer la question de la responsabilité dans la chaîne d’approvisionnement de façon transversale pour évaluer les résultats concrets. Par exemple, pour se qualifier, les entreprises avec un impact environnemental significatif devront rendre compte de leurs plans et mesures pour verser aux travailleurs dans leur chaîne d’approvisionnement un salaire viable*. Toutes devront également conduire une évaluation des risques en matière de droits de l’homme au moins tous les trois ans, établir une stratégie et un plan d’action pour adresser ces risques, assurer que les politiques et procédures sont cohérentes pour les réduire, et informer tous.tes leurs employé.e.s concerné.e.s par cette question, notamment les départements des achats. Les entreprises ayant une chaîne de valeur avec des émissions de GES significatives devront obligatoirement prendre en compte leurs fournisseurs dans leur plan d’action climatique.

Et maintenant?

Entreprendre une démarche d’approvisionnements responsables n’est chose facile et peut prendre du temps. Chez Credo, nous croyons qu’il s’agit d’un sujet essentiel à aborder et qui vaut la peine d’être pensé stratégiquement pour maximiser l’impact de l’entreprise. Au-delà de mettre en place les outils et mécanismes mentionnés ci-haut, nous proposons aux entreprises qui souhaitent se pencher sur la question de : 

  1. Comprendre le type d’impact qu’elles cherchent à avoir et intégrer la question des approvisionnements de façon transversale dans leur stratégie de responsabilité d’entreprise : Est-on à un stade où l’on cherche plus à réduire notre empreinte carbone et autres impacts négatifs? À engendrer des bénéfices spécifiques pour certaines parties prenantes comme nos clients, notre communauté et/ou nos fournisseurs? Ou à contribuer à résoudre les enjeux à la source par du travail de collaboration externe ou par l’innovation?

  2. Réfléchir aux approvisionnements dans une perspective circulaire : Comment modifier le produit ou le processus de production pour réduire la consommation de ressources, ou pour favoriser la réutilisation du produit ou de ses composantes? Plusieurs stratégies d’économie circulaire impliquent des partenariats plus prononcés avec les fournisseurs.

  3. Choisir le type d’approche que l’on souhaite valoriser dans les approvisionnements : Veut-on se doter de critères précis pour se procurer des biens et des services auprès d’entreprises qui sont déjà avancées dans leurs pratiques de développement durable? Accompagner nos fournisseurs existants à effectuer la transition avec nous vers de meilleures pratiques? Ou travailler avec d’autres acteurs dans notre secteur pour rehausser les normes?

  4. Travailler de pair avec les autres fonctions de l’entreprise pour intégrer la durabilité de façon transversale, particulièrement avec la fonction R&D pour la conception de produits durables et la logistique pour que les pratiques de transport et distribution soient cohérentes avec nos ambitions environnementales.

  5. Former les employé.e.s sur tous les aspects concernés et les intégrer dans la démarche, ce qui facilitera la gestion du changement en atténuant les craintes, en augmentant la mobilisation, et en s’assurant que les objectifs établis sont cohérents avec la réalité quotidienne des personnes.

Si vous êtes intéressé.e à entreprendre une démarche d’approvisionnement responsable, Credo offre une série de formations spécifique sur ce sujet ainsi que des ateliers interactifs permettant aux entreprises de réfléchir à leur chaîne d’approvisionnement de façon à contribuer stratégiquement à l’atténuation et à la résolution des enjeux qui leurs sont spécifiques. Contactez-nous.

*Le « salaire minimum vital » fait référence à un salaire qui permet à un individu de vivre dignement. Il se distingue donc du salaire minimum légal et est calculé par des organismes indépendants qui valident sur une base des coûts de la vie par région. 


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